Le Tchadanthropus Tribune

mardi 21 juin 2011

Libye: La dimension tribale

Par Acheikh Ibn-Oumar:   Afrique Asie

Tout en démentant l’envoi de militaires tchadiens aux côtés des forces pro-Kadhafi, le président Idriss Déby Itno a reconnu que des Tchadiens résidant en Libye avaient pu être recrutés. L’imbrication humaine entre le Tchad et la Libye est ancienne et se manifeste sous la forme de mouvements migratoires, religieux et commerciaux. Les épisodes massifs furent le double exode des Awlad Soulayman et des tribus alliées à partir de la région de Syrte vers le nord du lac Tchad, suite à l’échec des soulèvements contre les Ottomans, au milieu du XIXe siècle, et contre l’occupation italienne au début du XXe siècle. À l’époque moderne, la grande sécheresse dans le Sahel au début des années 1970, et la guerre civile des années 1980, ont provoqué un grand afflux de Tchadiens vers la Libye.

La « loi du retour »

Ainsi, on trouve au Tchad des groupes d’origine libyenne, sous le nom abusivement générique de Awlad Soulayman, parmi lesquels les Gadhadfa (tribu du colonel Kadhafi), les Mogharba et les Hassaouna. Beaucoup de personnages du premier cercle du pouvoir de Tripoli sont nés au Tchad dans ces clans et ne sont « redevenus » libyens qu’après l’arrivée au pouvoir de Kadhafi. On peut citer le professeur Ahmad Ibrahim (vice-président du Parlement et principal responsable des comités révolutionnaire), Grène Saleh Grène (inamovible ambassadeur de Libye au Tchad) et feu Abdassalam Zadmah (commandant en second de la garde personnelle de Kadhafi). Parallèlement à cette migration bédouine, il y eut un autre mouvement plutôt citadin et de nature économique, avec l’installation de commerçants des tribus Majabra , Zouweya et Massamra, dans le mémorandum qu’elle avait présenté à La Haye, pendant l’arbitrage sur le conflit frontalier entre les deux pays. Aujourd’hui, avec la guerre civile, on assiste à un début d’afflux de Libyens au Tchad. Il s’agit de proches de Kadhafi qui ont des attaches économiques ou familiales à Ndjamena. Il se dessine aussi un nouveau mouvement migratoire massif, intéressant les tribus qui étaient présentes au Tchad et qui y possèdent encore des terroirs et des troupeaux, dans la région du Nord-Kanem. Si la crise devait s’éterniser ou se régler par une élimination militaire d’un des adversaires, il ne fait aucun doute que le Tchad aurait du mal à faire face au déferlement de populations au statut administratif imprécis (Tchadiens d’origine libyenne, Libyens d’origine tchadienne, immigrés, émigrés, etc.). Le pays aurait au minimum à gérer des problèmes administratifs et sociaux croissants (accueil, intégration, partage de pâturages, trafic d’armes, blanchiment d’argent, etc.), sinon des problèmes sécuritaires très graves. Le Tchad a intérêt à ce qu’une solution politique et rapide soit trouvée. Mais quel rôle le gouvernement de Ndjamena, incapable d’accepter de compromis politique avec sa propre opposition, pourra-t-il jouer dans une situation aussi compliquée que celle de la Libye ? Surtout que l’Union africaine elle-même est tragiquement impuissante à trouver une « fenêtre d’entrée » entre l’aveuglement de Kadhafi, les « bombardements humanitaires » de l’Otan et l’immaturité du mouvement insurrectionnel. originaires de l’est de la Libye, un peu partout au Tchad. Parmi leurs illustres descendants, on peut citer le général Abubakar Yunus Jaber, chef de l’armée libyenne depuis le coup d’État de septembre 1969, et feu Ibrahim Bishari, chef des services de renseignements, tous deux nés au Tchad et de mères tchadiennes. Dans l’autre sens, l’afflux causé par la guerre, la sécheresse et le boom pétrolier se traduisit par la présence de centaines de milliers de Tchadiens en Libye. Parmi ces immigrés, ceux qui étaient originaires de groupes plus ou moins apparentés à certaines tribus d’origine libyenne ont essayé de prendre la nationalité libyenne en se prévalant de la « loi du retour », promulguée par le pouvoir de Tripoli. Ces parentés s’appuient parfois sur une simple coïncidence homonymique. Ces réalités ont été utilisées par la partie libyenne, pour revendiquer non seulement la bande d’Aozou mais pratiquement toute la moitié nord du Tchad.

ENTRE CES DEUX FRÈRES ENNEMIS, LES RANCŒURS
ET LA MÉFIANCE SONT ENCORE VIVES.

Tchad/Libye L’imbrication socio-historique entre les deux pays dépasse largement le cadre classique de communautés à cheval sur les deux frontières.

N’Djamena redoute des problèmes
sécuritaires très graves, du fait
de l’afflux de Libyens. Gamma

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