Le Tchadanthropus Tribune

mercredi 22 juin 2011

TCHAD: Deuxième indépendance pétrolière

Dix ans après la mise en production des champs de Doba, le Tchad multiplie les initiatives pour limiter sa dépendance envers ExxonMobil, seul producteur du pays. Fort de la réélection (à 88,7%) d'Idriss Déby pour un quatrième mandat le 25 avril, N'Djamena négocie pour attribuer des permis à d'autres pétroliers. Le pays s'apprête également à se doter de sa propre raffinerie, à Djermaya, et à vendre lui-même sa part du pétrole, sans passer par ExxonMobil.
 

Les pétroliers se pressent à N'Djamena. Début juin, la société canadienne Forbes, représentée par son PDG d'origine iranienne Fariborz Goodarzi accompagné d'autres associés inconnus, a négocié avec l'Etat tchadien un contrat de partage de production pour trois blocs au nord du bassin de Doba. Ces périmètres sont situés sur des zones qu'Exxon a récemment rendues à l'Etat. Pour faciliter les contacts, les investisseurs étaient accompagnés d'un ex-ministre nigérian des finances, Mansour Muhtar (2009-2010). La joint-venture qui sera créée entre Forbes et la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) se nommera Chad Petroleum. Il ne manque plus qu'un décret présidentiel. Outre les Canadiens, des cadres du consortium sino-angolais China Sonangol sont venus au Tchad à la fin du mois de mai. Ils se sont rendu en avion dans le nord (bassin du lac Tchad). Quant à Tullow Oil, son vice-président, Tim O'Hanlon, est revenu pour la deuxième fois en deux mois, le 9 juin, à N'Djamena (AEI nº653). Aucune décision n'a encore été prise pour opérer un bloc dans la zone de Doba.
 
Comment maximiser les revenus ? Annoncée par le ministre tchadien du pétrole, Eugène Tabe, lors de l'Africa Energy Forum (AEF) à Paris (14-16 juin), la mise en huile de la raffinerie de Djermaya (20 000 bpj) par la China National Petroleum Corp. (CNPC) aura officiellement lieu le 27 juin. Si cet ouvrage, d'un peu plus de 500 millions $ (soit deux fois moins que celui du Niger avec les mêmes spécificités) va permettre au pays de devenir indépendant en produit pétrolier, plusieurs problèmes restent à résoudre. Le plus urgent concerne l'absence de cuves de stockage. La délégation tchadienne a profité de son séjour parisien pour rencontrer BNP Paribas, le 16 juin, afin d'étudier le financement de ces réservoirs manquants estimé à 20 millions $. Le ministère et la SHT ont déjà sélectionné le groupe français Parlym pour leur construction. Le gros œuvre sera effectué par des sociétés tchadiennes et camerounaises. Tout devrait être opérationnel avant la fin de l'année. D'ici là, les produits pétroliers seront stockés dans les petites cuves de la CNPC, ainsi que dans celles des distributeurs habituels du Tchad, notamment Total. Autre inconnu : que faire des produits pétroliers excédentaires ? Le Tchad ne consomme que 7 000 b/j. La contrebande du pétrole nigérian, omniprésente dans la région sahélienne et très bon marché, pourrait empêcher l'écoulement des stocks raffinés tchadien. Toujours dans l'objectif d'accroître les revenus pétroliers, la SHT vendra, d'ici le mois de septembre, les 15% de brut de Doba revenant contractuellement à l'Etat. Un trader sera bientôt recruter pour aider à ces opérations.
 
Blocages internes. Malgré son volontarisme, l'administration tchadienne a cependant du mal à gérer le développement rapide du secteur pétrolier. Ainsi, le contrat de la CNPC sur les blocs proches du lac Tchad n'est toujours pas validé. Des différends, remontant à la période où Ahmat Khazali Acyl (beau-frère d'Idriss Déby) était à la tête de la SHT, ne sont toujours pas résolus. Ces périmètres sont importants pour CNPC car leurs réserves, déjà mises à jour dans les années 70, devraient à terme approvisionner la raffinerie par l'intermédiaire d'un oléoduc de quelque 200 kilomètres. Cet ouvrage, connecté à celui déjà construit entre Djermaya et Rônier (200 kilomètres au sud de la capitale), rejoindrait celui d'Exxon à Doba. Cela permettrait non seulement d'exporter la production excédentaire du lac Tchad et de Rônier, mais également celle venant d'Agadem au Niger (entre 500 et 600 millions de réserves).

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